Les h’ilonim sont des juifs comme les autres

Voilà le sujet sur lequel tu as le plus de mal à écrire, alors même qu’il est le plus brûlant pour toi. Jusqu’au jour où ton fils te demande un matin: ” Maman, n’est-ce-pas que Aba (papa) n’est pas juif?”

Tu manques de t’étrangler avec ton café. L’histoire de la famille du père de tes enfants défile à toute vitesse dans ton esprit: la Pologne des années 30, le sauvetage in extremis des plus jeunes, envoyés en Israël avant la Shoah, les familles restées sur place décimées, la construction du pays, le sionisme, les grandes idées, le socialisme de l’époque. Puis une, deux, et trois générations d’israéliens.

Bien sûr que si Aba est juif, qu’est ce qui te fait penser le contraire?

Bah il dit lui-même qu’il est h’iloni.

Les revoilà donc, ces petites cases avec lesquelles tu as tellement de mal à composer. Sauf que là, tu sens plus que jamais le bilboul (l’embrouille). Et à nouveau, tu te dis que quelque chose ne tourne pas complètement rond ici.

Tu te revois à l’enterrement de ton beau-père, écoutant le Kadish récité par ses fils h’ilonim enlacés sur la tombe. A sa Shiva, aux Shivot de tous ces h’ilonim qui perdent des êtres chers.

Aux circoncisions des enfants de h’ilonim, aux h’ilonim qui plantent des arbres à Tou Bishvat, qui se déguisent et qui envoient des mishlohi manot à Pourim, qui sortent d’Egypte en grandes pompes à Pessah, aux petits h’ilonim qui reçoivent la Torah et commencent à l’étudier en Kita Beth, aux discours de h’ilonim sur le renouvellement à Rosh Hashana, à cette connexion spirituelle qui se manifeste tout au long de l’année, même si c’est en dehors des synagogues.

Tu repenses à ton voisin h’iloni, et à ses amis h’ilonim, qui ont organisé sur deux ans un tyoul de la Galilee vers Jérusalem par petits bouts, pour y arriver l’année de bar mitsva de leurs fils.

A cette culture de l’étude. Partout, tout le temps, à n’importe quel âge.

Aux gens qui t’entourent, et qui vivent leur judaisme avec beaucoup de sens et de profondeur le plus souvent, mais qu’on oppose implacablement aux religieux. Hilonim versus Datim. Datim versus Hilonim.

C’est instantané, c’est confortable, on peut cerner une personne en un mot et comprendre dans les grandes lignes son mode de vie. Et puis c’est comme ça donc on s’adapte, on se rentre dans une case ou dans l’autre, même si ça coince un peu. Parce qu’au final, chacun peut trouver l’environnement qui lui convient le mieux et composer. Mais est-ce vraiment juste et précis? L’essence même du judaïsme n’est elle pas le libre arbitre? L’évolution incessante, dans un sens ou dans l’autre? La vie consacrée au tikoun, à la réparation, chacun à son niveau?

C’est pourquoi toi, tu ne l’aimes pas ce mot, h’iloni. Pas plus que tu n’aimes celui de dati. Ces mots limitent, enferment, et séparent ce(ux) qui devrai(en)t être uni(s). Et sont exploités à outrance. Tu leur préfères le mot tout simple et si complexe de juif.

Alors tu réponds à ton fils que le h’iloni est un juif comme un autre, et que ça ne veut strictement rien dire. Et que s’il a un doute, qu’il aille directement interroger son père, juste pour voir sa tête.

Quant à toi, la laïque religieuse, la juive qui refuse d’être enfermée dans une case, tu te demandes s’il est réaliste d’espérer que les israéliens se détachent de ce cloisonnement pour se rassembler dans le respect du chemin de chacun. Sans avoir besoin d’une menace extérieure. Ou si tu devras te contenter, en temps de paix, de te trouver une petite case avec des gens qui pensent comme toi.

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8 réponses à Les h’ilonim sont des juifs comme les autres

  1. Ezra Banoun dit :

    J’ai eu l’occasion de rencontrer une française protestante a Reims lors d’une conférence . Elle m’a demande de lui confirmer l’idée que les HILONIM d’Israël n’ont rien a voir avec les laïcs de France . Je lui ai dit qu’elle avait raison .Les Hilonim d’ Israël sont opposes aux ultraorthodoxes qui cherchent a imposer des pratiques religieuses que le monde juif avait créé pour survivre . Les Hilonim recherchent un renouveau adapte a la création et a l’indépendance. Elle était super contente..

  2. Rahel Guez Zeitoun dit :

    Votre article m’a beaucoup émue. Moi qui suis religieuse venant de France il y a 2 ans. Et justement j’ai du mal avec cette « étiquette »! Pour moi être religieuse ce n’est pas rejeter ceux qui sont différents, c’est voir ce qui nous rassemble. Et tout ce qui nous relie et qui transparaît dans votre texte. Je ne rentre pas dans une case car comme chacun de nous je suis unique et je crois que chacun a son rôle dans ce monde .
    Alors dati /‘hiloni on s’en fiche ! On fait partie du même peuple et on vit sur notre Terre.

  3. Hanna dit :

    Excellent article.
    Quand on me demande si je suis datia ou ‘hilonit, je réponds toujours que je suis juive

  4. Anonyme dit :

    tres tres bel article
    jai lu votre recit sur yom kippour tres emouvant
    le rav kook le premier rabbin de yaffo vers 1904 avait ecrit un texte maamar adorot ou il expliquait justement entre autre qu’il voyait plus de choses qui nous rapprocher que de choses qui nous differencier .un texte toujours d actualite a lire et a relire pour mieux comprendre israel

    • admin dit :

      Quelle belle référence le Rav Kook, effectivement complètement d’actualité. Le vrai défi de la société israélienne d’aujourd’hui. Merci beaucoup pour ce commentaire!

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