Journal de guerre – jour 267

Rendez-vous à la piscine d’Amirim le dimanche 30 juin après l’école. Chacun amène quelque chose à grignoter. On fête la fin de l’école ! Le message est accompagné d’une multitude d’émojis joyeux et en reçoit d’autres tout aussi joyeux en réaction.

Tu te dis, OK, Amirim, c’est dans la ligne de mire des missiles à une fréquence raisonnable, une fois par mois en moyenne, à 50 km de la zone de combat, aucune raison valable de ne pas y aller. Alors tu y vas, avec ton tupperware plein de pastèque et tous les accessoires de piscine, le même gros sac en toile que les années précédentes, quand tout était encore normal.

L’ambiance sur place est au beau fixe. Les enfants sont aux anges et jouent dans l’eau en s’éclaboussant. Tu prends des photos, le ciel est bleu, la piscine aussi, tout le monde sourit. Des photos normales de fin d’année scolaire.

À un moment, tu t’approches d’un groupe de parents que tu aimes bien, assis au bord de la piscine. Vous venez tous de villages différents, répartis sur les collines de Galilée. La discussion tourne autour de la comparaison entre vous : qui entend les boums quotidiennement ? Qui seulement de temps en temps ? Qui jamais ? (les chanceux !)

Soudain, une maman te montre ta fille du doigt : “Hey, attention, je crois que S. fait quelque chose d’interdit !” Tu te retournes pour voir ta fille sauter du bord du bassin en salta, hop, une galipette en l’air et elle retombe dans l’eau. Tu te précipites pour lui expliquer que c’est dangereux et interdit. “Ne fais pas ça !” Tu as juste le temps de l’entendre répondre, “le dernier maman, le dernier !” et elle est déjà dans les airs, sauf que sa tête heurte le bord de la piscine lorsqu’elle retombe dans l’eau. Ton cœur se retourne. Tu l’attrapes par les bras pour la faire sortir. Elle pleure en se tenant la tête. Tout le monde vient l’entourer. “Ça va, S. ?” Elle est pâle. Tu vas vite chercher des glaçons. Tu n’es pas extrêmement inquiète, tu étais là, le choc n’était pas violent, mais bon, c’est sur l’arrière de la tête alors tu prends conseil auprès d’une maman médecin présente à la piscine. “Ça suffit, les glaçons ?” Elle fait la moue, “non, ça serait plus sûr de l’emmener dans un centre médical, ou peut-être à l’hôpital.” Tu regardes ta montre, il est 18:30. Les centres médicaux sont fermés. L’hôpital le plus proche est à Tsfat. Tu réfléchis rapidement. Là-bas, la fréquence des missiles est de deux ou trois par semaine ces derniers temps, parfois plus. Tu te dis, OK, c’est raisonnable. Tu embarques ta fille à Tsfat. Là-bas, l’infirmière qui l’accueille te rassure, mais passe plus de temps à parler à son fils au téléphone. Elle s’excuse en souriant, “il y a eu des gros boums là où on vit, il est seul à la maison.” Tu comprends…

Ta fille n’a rien. Et il n’y a pas eu de missiles ce soir-là sur Tsfat.

Donc tout va bien. Cette fin juin est presque normale. À cinquante kilomètres de chez toi, des milliers de gens sont évacués de chez eux depuis presque neuf mois. Les copains de ta fille vivent au rythme des boums. Mais toutes les fêtes de fin d’année ont eu lieu : la danse, l’acrobatie, la capoeira, les spectacles des écoles, et le foot. La bulle des enfants est préservée. Malgré ce copain dont le père est encore otage là-bas, malgré cette copine dont l’oncle est mort au front le mois dernier là-bas. C’est un mois de juin presque normal.

C’est juste que tu manques un peu d’air.

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2 réponses à Journal de guerre – jour 267

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  2. Dov dit :

    Merci pour cet instantané qui dit tant en si peu de mots…
    Dov

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