L’intifada des couteaux

Ils appellent ça l’intifada des couteaux. C’est poétique, comme nom, on en oublierait presque qu’on parle de barbarie.

Trois mois que ça dure. Des attaques tous les jours. Des morts, des blessés, des traumatisés à vie. Des israéliens et des israéliennes assassinés par dizaines, par des fous qui se jettent sur eux en les lacérant de leur lame blanche.

Les visages se succèdent, les prénoms se chevauchent, les histoires s’accumulent et j’enrage, j’enrage de cette anesthésie douloureuse qui m’envahit. Mes yeux s’attardent sur une photo, celle d’une belle jeune fille tuée d’un coup de couteau dans le cou il y a quelques jours, pourquoi? Parce ce que juive en Israël.

Comme tous les autres. La terreur dans laquelle on est plongés est sournoise. On continue à vivre normalement, sauf qu’on s’habitue à être poignardés (ou écrasés par des voitures) tous les jours. Chaque jour. Ca commence à faire partie du quotidien. Il parait qu’avant c’était encore pire. Que dans les années 2000, quand des autobus et des restaurants explosaient alors c’était vraiment terrorisant. Je veux bien le croire. Apparemment il y a des échelles dans la peur. Alors disons que je suis sur la marche qui fait froid dans le dos. Froid comment? Glacial en fait.

C’est vrai je n’aurais pas dû, mais j’ai cliqué sur un petit film montrant un des attentats parmi les centaines de ces derniers mois. Dis donc, quelle haine ils ont ces terroristes pour s’acharner comme ça avec leurs couteaux… C’est fou quand même cette haine. Ca a l’air de venir de très loin et de très profond.

Je pense à mes enfants et à leurs copains du gan, à leur innocence. Je pense à mon Israël, qui ressemble tellement à un coin de paradis quand tout est calme. Mon Israël d’ouverture, de paix, de développement, d’acceptation, mon Israël démocratique qui se débat avec plus de problèmes éthiques depuis des décennies que tous les autres pays du monde réunis, mon Israël fou de ses enfants et de sa jeunesse, mon Israël spirituel, ma Terre, ma seule Terre à moi, ancienne juive parisienne.

Je pense au monde indifférent à notre sort. Le Monde qui ne sait même pas, ou qui ne s’intéresse pas. Je pense à nos produits étiquetés sur les étagères des supermarchés européens. Aux condamnations multiples. Aux humiliations. Au boycott des artistes. A cette saloperie de BDS. Je pense à nos défis de société et à ce jugement tellement cruel qui est porté sur nous en permanence.

Mais je pense aussi à la France et à ses épreuves. A l’Europe qui ouvre les yeux sur ces hommes prêts à mourir pour semer la mort. Je me laisse dériver en imaginant un combat main dans la main contre le terrorisme qui pourrit nos vies. On est tous dans le même bateau. Notre combat est le même. Enfin, ça, c’est nous israéliens qui le disons, qui le savons. Le reste du monde ne l’entend pas de cette oreille. Nos terroristes à nous apparemment sont excusables. Ils ont des circonstances atténuantes! Ils combattent pour leur liberté. Contre la colonisation. OK alors continuons le combat chacun de notre côté.

En venant m’installer ici il y a dix ans, j’ai réalisé le plus beau rêve de ma vie. Celui de vivre ici, sur ma terre, avec mon Peuple. Et tout le bordel environnant. Pour rien au monde je ne partirai d’ici, même aujourd’hui. C’est ma place, ma Terre. Mais je prie pour que tout aille bien, de plus en plus. Pour nous, et surtout pour mes enfants. J’ai confiance dans mon pays. J’ai confiance en la France aussi, qui est bien assez forte pour écraser ces assoiffés de sang sans perdre son âme. Qu’elle soit encore plus forte et ose regarder vers Israël avec un regard neuf.

Mais tiens, pendant que je broye du noir sur le papier, les voilà mes petits israéliens qui reviennent du gan. Ils réclament des toupies et chantent à tue tête les chansons de Hanoukka. La saison est ouverte! “Baanou H’ocher LeGaRech”, “Nous sommes venus chasser l’obscurité”! Chantez fort mes petits chasseurs d’obscurité. Vous avez bien raison, laissez les grands se démener pour combattre et vous préparer un monde vivable. Ne vous occupez de rien d’autre que de brailler les chants d’espoir qui nous gardent debout depuis des millénaires. Vivement la première bougie de Hanoukka.

(Publié ici le 26 novembre 2015)

 

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