Pessah

 

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Tu sais que Pessah arrive quand tu vas nettoyer ta voiture, où tout le h’ametz de Galilée semble s’être logé, sous les tapis et entre les sièges. Pas moins de dix voitures attendent dans la queue. C’est comme ça, une semaine avant Pessah, on s’entasse dans les stations de lavage, et les gens pressés prennent leur mal en patience.
Une petite pancarte annonce: Nettoyage de Pessah, avec le prix habituel multiplié par deux. Le patron, un arabe, te garantit avec un grand sourire qu’il n’y aura plus une miette de h’ametz après son tipoul. Business is business.

Le dernier mois a été chargé, une campagne sous tension, des élections, une arrivée un peu brutale sur la lune. Mais tout semble déjà loin, Pessah arrive.

Les conversations redescendent sur terre, on parle de menus, d’emploi du temps et de ménage. Vous serez où pour le seder?

Les shouk Ka’h Ten se multiplient. Tu as mis des années avant de comprendre cette expression. En fait, c’est simple. Ka’h tu prends, Ten, tu donnes. Des brocantes sans argent.

Les familles se retrouvent. On s’invite. On organise des sorties avec les copains pour la semaine suivante. C’est le moment de se promener. Le printemps est là. Les enfants sont en vacances. Tu sais que tout sera bondé, comme chaque année. Ca fait partie du jeu, quand on vit collectivement et au même rythme sur un petit morceau de terre.

En attendant tu lèves ton verre avec tes collègues de bureau. Il n’y a plus de laïcs ni de religieux. C’est Pessah, tout le monde est concerné. Tu écoutes les discours sur la liberté. On va sortir d’Egypte, cette année encore, tous ensemble et personnellement. Sur le chemin du retour, la radio diffuse une émission sur ceux pour lesquels le seder est une épreuve à surmonter. Les récents divorcés. La communauté LGTB. On donne des conseils. Personne n’est oublié.

De ton côté aussi tu prends ça au sérieux. Tu essayes de mettre de l’intention dans tes actions. Nettoyer, se renouveler, s’améliorer. Faire entrer un peu de lumière dans les zones d’ombre. En tout cas essayer.

Et puis tu te projettes en train de jongler comme chaque année autour de la table du seder pour faire le pont entre les traditions et entre les sensibilités. Bibi, Gantz, Zanberg et les autres se réunissent ce soir pour sortir d’Egypte. En français et en hébreu. Et ils rient aux éclats. Comme quoi, tout est possible.

Comme ce mélange improbable de Gefilte fish et de Msoki dans ton assiette. Avec une pointe de h’azeret. Celui qui survit à ça peut traverser la mer rouge les yeux fermés, c’est certifié.

Aucun doute, c’est comme dans la chanson que tes enfants fredonnent toute la journée: Le printemps est là, et Pessah vient…

Hag Sameah!

 

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(Derrière) la photo de Pourim

Ils sont là, sur la photo, déguisés, souriants et merveilleux. Eux, les enfants, nos enfants, dont on envoie le cliché fièrement, dans un consensus général, sur les réseaux sociaux ou par whatsapp, où on s’extasie mutuellement sur leur croissance et la mignonnerie de leurs costumes. Une fois par an, parfois deux avec la rentrée scolaire, on peut s’enorgueillir en  toute légitimité de notre progéniture. On fête Pourim dans les écoles. Les photos sont colorées et ensoleillées.

C’est parce qu’on ne t’y voit pas, toi, le parent échevelé et en retard qui crie depuis plusieurs minutes à ses enfants surexcités : Attendez, il faut faire la photo !! Venez faire la photo !! Ohh les enfants!!

Toi qui viens de passer une matinée éprouvante pour réussir sans trop de dommages à faire enfiler les costumes à ta petite troupe et sortir à temps. Toi qui tentes de préserver la joie du moment, la sueur au front, en gérant les frustrations de dernière minute.

Toi qui viens de passer une semaine à déchiffrer et à répondre aux multiples sollicitations de leurs écoles et ganim qui rivalisent de créativité en cette période de Pourim. La répartition des tâches est claire : L’école donne les directives (lumineuses) et toi tu exécutes. Parfois sans préavis. Pendant plusieurs jours. Les petits sont ravis et toi lessivée.

Sur la photo, dans leurs petites mains  les michlohey manot (paniers de friandises traditionnels de Pourim) sont bien présentés et emballés pour les copains d’école. Tu t’es couchée très tard hier pour les préparer.

Dans ta maison, ça déborde de partout. Et sur la table de la cuisine, des montagnes de sucreries et de chocolats reçus pour la fête, ventres barbouillés et petites mains collantes en perspective.

Mais en arrière plan de la photo,tu peux aussi palper le bonheur de fêter Pourim ici, en Israël, comme la chose la plus naturelle du monde. Tu t’ennivres de la folie créative ambiante. Tu reçois des petites attentions des uns et des autres. Accompagnées de brah’ot, ces petites lettres personnalisées,  grande spécialité israélienne, qui réchauffent encore une fois le cœur. Tu écoutes la Meguila et tu ressens de la joie, beaucoup de joie, malgré la fatigue.

Et puis ce soir, quand les petits iront dormir, ce sera enfin au tour des grands de prendre la relève pour fêter ça dignement. Pour se déguiser et perdre la tête le temps d’une soirée. Bien méritée.

Voilà à quoi ressemble le Pourim des parents en Israël. Des journées intensives et épuisantes, mais pleines d’une joie simple qu’on accueille volontiers.

Hag Sameah!

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Il pleut sur Israël

Tu entends à la radio un arabe qui soutient que tout est de la faute de l’occupation. Il veut dire l’occupation de l’ensemble d’Israël, bien sûr. Que non, un juif ne peut en aucun cas prier sur le Dôme du Rocher, parce que ce lieu est musulman, comme le reste. Le présentateur le remet à sa place gentiment. Tu mesures le danger et tu frémis. La démocratie semble bien faible face à son idéologie. Et notre unité aussi.

Pendant ce temps, il pleut sur Israël.

L’inquiétude monte en Europe et ailleurs, une fois de plus. Comme un cycle immuable. La haine se déploie, s’étend, les tombes sont profanées, les arbres arrachés, les représentants violentés. La parole se libère, on passe aux actes. Puis tout se calme. Quelques discours bienveillants. Voilà, ce n’est rien, juste le fait de quelques-uns. Il reste plein de gens bien.

Les débats se relancent. Antisémitisme. Antisionisme. Pourquoi? Alyah ou pas. Jusqu’à la prochaine fois.

Ici, la pluie continue de tomber.

Et rien n’est calme, comme d’habitude.

L’électricité est dans l’air, au-dessus des flaques. Les élections approchent. Tu suis les alliances et les campagnes. Tu écoutes la douleur d’une mère qui refuse que l’on se serve de la tombe de son fils tombé à Tsouk Eytan pour faire de la politique. Tu la comprends si bien.

Tu entends les mots Am Israel sur toutes les lèvres et tu t’interroges sur le destin de ton peuple. Sur ta place en son sein. Sur le rôle de chacun.

Il pleut toujours.

Les enfants ont ressorti le carton des déguisements. Bientôt Pourim, les réjouissances et l’insouciance.

Tu demandes à la libraire où est le livre qui parle des fêtes et des bénédictions? C’est du domaine de la religion, on n’en a pas ici, il faudra commander.

Il pleut. La Nature explose de beauté, tout fleurit tellement fort, en cette fin d’hiver. Le lac de Tibériade est presque plein. Ca ruisselle de partout. Alors tu te concentres sur ça, en attendant, parce que c’est simple et magnifique, et que ça remplit ton cœur de joie.

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