Journal de guerre – jour 267

Rendez-vous à la piscine d’Amirim le dimanche 30 juin après l’école. Chacun amène quelque chose à grignoter. On fête la fin de l’école ! Le message est accompagné d’une multitude d’émojis joyeux et en reçoit d’autres tout aussi joyeux en réaction.

Tu te dis, OK, Amirim, c’est dans la ligne de mire des missiles à une fréquence raisonnable, une fois par mois en moyenne, à 50 km de la zone de combat, aucune raison valable de ne pas y aller. Alors tu y vas, avec ton tupperware plein de pastèque et tous les accessoires de piscine, le même gros sac en toile que les années précédentes, quand tout était encore normal.

L’ambiance sur place est au beau fixe. Les enfants sont aux anges et jouent dans l’eau en s’éclaboussant. Tu prends des photos, le ciel est bleu, la piscine aussi, tout le monde sourit. Des photos normales de fin d’année scolaire.

À un moment, tu t’approches d’un groupe de parents que tu aimes bien, assis au bord de la piscine. Vous venez tous de villages différents, répartis sur les collines de Galilée. La discussion tourne autour de la comparaison entre vous : qui entend les boums quotidiennement ? Qui seulement de temps en temps ? Qui jamais ? (les chanceux !)

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Journal de guerre – jour 218 – le jour du souvenir

Ce soir a commencé Yom Hazikaron, le jour du souvenir de tous ceux tombés pour que le peuple d’Israël puisse continuer à vivre sur sa Terre. Les soldats et les victimes du terrorisme. 

La sirène retentit à 20:00 précise dans tout le pays et tout s’arrête. Puis les cérémonies commencent. Ce qui les caractérise, année après année, c’est ce silence étouffé de larmes, un silence épais, qui remplace les applaudissements après les textes et les chansons. On se tient tous là, les uns contre les autres, recueillis, ensemble. Cette année évidemment tout est plus douloureux. On finit comme toujours par l’Hatikva, l’hymne israélien:

Tant que dans nos coeurs

Vibre l’âme juive

Tournée vers l’orient, en avant

Le regard vers Sion

Notre espoir n’est pas encore perdu

Un espoir âgé de deux mille ans

D’être un peuple libre sur notre terre

La terre de Sion et de Jérusalem

Le chant de l’Hatikva me remue toujours, mais ce qui m’a le plus émue ce soir, c’est quand on a chanté le Psaume 121, le Cantique des Degrés. Parce que ceux qui se tenaient à mes côtés, ce soir, sont des fervents laïcs, beaucoup d’entre eux manifestent chaque semaine, mais c’est d’une seule voix qu’on a tous chanté:

Je lève mes yeux vers les montagnes…

D’où me viendra le secours ?

Le secours me vient de l’Éternel,

Qui a fait les cieux et la terre.

Il ne permettra point que ton pied chancelle;

Celui qui te garde ne sommeillera pas.

Voici, il ne sommeille ni ne dort,

Le gardien d’Israël.

L’Éternel est celui qui te garde,

L’Éternel est ton ombre, à ta main droite.

Pendant le jour, le soleil ne te frappera point,

Ni la lune pendant la nuit.

L’Éternel te gardera de tout mal,

Il gardera ton âme.

L’Éternel gardera ton départ et ton arrivée,

Dès maintenant et à jamais.

Ce soir, un pays entier se souvient et se recueille.

Comme on s’est souvenu de la sortie d’Egypte à Pessah et de la Shoah la semaine dernière.

C’est aussi ça qui nous tient debout, malgré les dysfonctionnements à l’intérieur et les vagues de haine à l’extérieur, malgré les douleurs et les doutes. Car rien ne pourra faire tomber un peuple qui se souvient de cette manière. 

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Journal de guerre – jour 108

Journée noire. Encore une. La rivière est bouchée par des pavés, on ne l’entend plus.

Le brouillard est descendu. Il est partout.

Et je me sens illégitime à écrire ma tristesse, parce qu’elle est presque confortable. J’y pense, et puis je n’y pense plus. Je peux me le permettre.

Ca me rappelle cette alerte du mois d’octobre, quand dans mon yichouv on pensait que les villages du coin allaient nous monter dessus littéralement, quand on nous a demandé de rentrer dans les abris et d’éteindre les lumières et qu’une voisine a écrit dans le whatsapp de la sécurité qu’une assiette était tombée dans sa cuisine, alors que les chats étaient dehors, cette peur au ventre que le monde s’écroule sur moi, sur nous, recroquevillés dans notre abri sans porte, inutile, cette peur de mourir, qui était si indifférente à la solidarité, une peur solitaire, insensible à l’empathie, comme peut être le deuil des familles vraiment touchées dans leur chair, ces visages tous plus beaux les uns que les autres qui ne sont qu’une photo pour moi mais qui appartiennent vraiment à des mères, à des pères, à des fiancées et à des enfants.

Ma journée est noire mais mon aîné n’a que 14 ans.

Que leurs mémoires soient bénies.

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