Tu passes trop de temps devant ton écran. Tu fais défiler les pages des réseaux sociaux, tu te retrouves à lire tous les commentaires d’un post sans importance. Pourquoi? Parce que c’est facile, parce que sur le moment ça t’intéresse. Parce que tu aimes les nuances, que tu es d’accord avec untel et pas du tout avec unetelle. Parce que tu es fatiguée et que tu as besoin de te vider la tête. Ou de te remplir la tête. Tu vas régulièrement voir sur Instagram des instantanés de la vie des autres. Pourquoi? Parce que quelque chose te fascine dans cette capacité d’attraper le joli dans le quotidien pour le sublimer. Toi tu n’y arrives pas. Ca te semble fou, ça te semble faux. Mais tu t’attaches quand même à des gens que tu ne connais pas. Tu lis tes whatsapp, trois heures de déconnexion, 35 nouveaux messages, aucun ne t’es adressé personnellement mais quand même, ils te concernent tous. La vie du yichouv, ses sujets chauds du moment. Tes copines de Galilee qui te proposent une cueillette ce week end que tu déclines poliment. Il faudra un jour faire ton coming out et leur expliquer que tu n’es qu’une sale urbaine, en vrai, et que tu préfères acheter ta salade et tes herbes en sachet, déjà propres. Le groupe du gan qui envoie des photos des petits en maillot de bain sous les jets d’eau. Tu cherches des yeux la tienne. Elle sourit, tout va bien. Le groupe des copines. Le groupe du travail. Celui de la famille. Celui du théatre. Les comités, les communautés. On fixe des dates. On est super émotifs, on s’aime très fort, par écrans interposés, overdose de cœurs en tout genre et de toutes les couleurs. Connectée. Sur connectée. Trop connectée. Du bon, de l’entraide, de l’inspiration. Et du sans intérêt aussi, beaucoup. Tu penses à ton amie de Bnei Brak qui résiste et qui t’envoie des bons vieux sms qui se perdent au milieu de dizaines de publicité. A chacun de vos échanges tu te retiens de la convaincre, c’est tellement plus pratique. Et en même temps tu l’admires pour réussir à gagner cette petite guerre là. Pourtant, tu n’es pas la plus gravement atteinte, loin de là. Tu réussis à poser ton téléphone sur la bibliothèque des heures entières. A l’oublier quand tu sors. Tu continue à lire des livres. Tu écris. Tu travailles. Tu t’occupes de tes enfants. De la maison. Mais ton esprit est parasité. Le manque se fait sentir et ta main se tend pour vérifier d’un glissement de doigts les nouvelles. Et tu plonges. Comme il est facile de s’échapper. De se noyer. Sans même s’en rendre compte. Tu pensais contrôler agréablement tes temps morts mais tu te rends compte en émergeant qu’en fait tu perds sûrement un temps précieux. Maman…Maman… Maman?! Attends je parle là! Tu lui réponds agacée en pianotant pour fixer les derniers détails du rendez vous de demain. C’est la vie moderne. Bip Bip. Ca file à toute vitesse, encore un article, un petit tour ici et là, juste pour décompresser. Et un jour tu te retrouves assise à une table de proches, silencieuse, où chacun a les yeux fixés sur son rectangle magique. Et tu te dis qu’on est tous en train de devenir fous, et que la sagesse de ceux qui se déconnectent d’étoiles en étoiles, chaque semaine, est infinie.
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